Exposition – Grès et Porcelaine

Juan Enrique JAIMES-IWASAKI

Ma conversation avec la terre

25 septembre 2024

Les céramiques que je créée vont bien au-delà du travail sur un matériau ancestral qui transforme la terre en pot ou en vase. La terre m’entraîne vers une infinie recherche, le dialogue avec la barbotine, les gammes autour de l’émail, la subtilité de la cuisson des pièces dans le four.

Dans la main qui pétrit l’argile, s’élaborent des gestes, entre pression et relâchement, entre vide et plein, entre bas et haut, entre ciel et terre. L’énergie de mes mains, la posture de mon corps, concourent à transformer la matière. Un « micro-geste » peut changer l’oeuvre.

Quand j’ai commencé la céramique il y a une dizaine d’années, je n’ai pas appris à tourner. Je ne me suis pas focalisé sur la technique. J’ai cherché le sens. Le sens du geste confortable, le positionnement de l’objet sur le tour, la qualité de la relation que j’entretiens avec la matière. De cette combinaison, naît une forme de bonheur. Une spiritualité.

Ces explorations se poursuivent avec l’émail. Comme un musicien qui s’entraîne en faisant des gammes, je fais aussi les miennes. Je dépose de fines couches de poudres de silice sur de petits morceaux de terre et j’apprends. J’apprends les subtiles nuances de couleurs, plus ou moins translucides, plus ou moins brillantes. Les variantes de de textures vert céladon, bruns, orangers, blancs, rosés deviennent ma palette. Une palette que j’apprivoise. L’esthétique de l’objet s’imprègne dans ma mémoire.

La maîtrise du four est la condition pour obtenir les émaux que j’ai imaginés. C’est une voie. Le feu n’est pas uniforme, le carbone et l’oxygène se parlent, atteindre la haute température se mérite, il peut et il doit y avoir des surprises. Je vis chaque fois cette étape intensément. La cuisson au bois est particulièrement  exigeante. Présence continue, contrôle du langage énergétique, patience extrême. Même si j’ai imaginé à quoi ressemblera l’objet en le confiant au feu, je ne sais pas ce qu’il adviendra La cuisson terminée, lorsque j’ouvre la porte du four, je suis émerveillé. Défauts et imperfections se révèlent, ils font partie de l’œuvre, ils sont la preuve qu’elle est vivante.

Voilà mon cheminement. Renouveler sans cesse une expérience qui m’emmène au-delà de la technique de  la céramique traditionnelle, au délà de mes origines japonaises et péruviennes, au-delà de moi-même. Mon travail m’entraine vers une méditation sur l’équilibre entre ciel et terre, sur la cosmogonie. Atteindre l’harmonie dans un complet détachement du geste.
Une oeuvre réussie n’est pas intellectuelle. Elle est juste. Elle parle à l’œil, à l’imagination. Elle rend heureux. Elle me rend heureux.